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Appel à communication - Représentations et discours de la/des magie(s). Figures, formes, regards critiques.

Publié le 13 février 2017 Mis à jour le 6 février 2018

Les projets de communication sont à adresser avant le 31 mars 2016.

Date(s)

le 31 mars 2017

Le séminaire se déroulera le 2 juin 2017.
Lieu(x)
Université Paris-Ouest Nanterre La Défense


Journée d'étude des doctorant.e.s du CSLF

 

Représentations et discours de la/des magie(s). Figures, formes, regards critiques.

 


Pour la deuxième journée d’étude organisée par les doctorant.e.s du CSLF, nous avons choisi de nous interroger sur les liens qui unissent littérature et magie, selon une perspective interdisciplinaire. Mages, sorcières et autres créatures surnaturelles peuplent la littérature depuis l’Antiquité, et connaissent au fil des siècles et des espaces géo-culturels divers avatars, de l’alchimiste au chamane, de la Muse au charlatan. Le terme de magie, considéré de façon synchronique, regroupe un ensemble de pratiques (plus ou moins ritualisées) qui visent à obtenir un effet sur le monde naturel, et supposent en général une forme de surnaturel intrinsèque à ce monde. Cette tradition évolutive recouvre entre autres l'astrologie, des pratiques curatives, le spiritisme ; on l'oppose à une norme ou à une perception rationnelle et explicable du réel qui a elle-même évolué. Marcel Mauss y voyait un phénomène religieux, qui constitue une sorte de versant privé du rite [1] ; James George Frazer y voyait une pensée pré-scientifique [2]. Pour Claude Lévi-Strauss qui la considère comme une forme de rationalité concurrente, elle est une façon de donner sens au monde [3]. De manière plus imagée, la magie a offert au fil des siècles une métaphore féconde pour dire les pratiques d’écriture. Sous des figures diverses, de la transe poétique inspirée par les Muses à la Renaissance au poète alchimiste du XIXème, de l’auteur en ré-enchanteur du réel et du quotidien aux formes variées du texte comme chant ou incantation, la magie incarne un horizon poétique vers lequel pointe la plume en même temps qu’elle informe le discours sur la création elle-même.


[1] Henri Hubert, Marcel Mauss, Mélanges d'histoire des religions, éd. Paris, Alcan, 1909.
[2] James George Frazer, Le Rameau d'or, Paris, Robert Laffont, 1981-1984 (1911-1915).
[3] Claude Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, Paris, Presses Pocket, 1998 (1958).


Figures & manifestations du magique

On pourra s'attacher dans un premier temps à circonscrire les représentations, crédules ou incrédules, du phénomène magique. La question de la magie en tant qu'elle mobilise les schèmes du surnaturel peut rencontrer celle de la spiritualité, au carrefour des croyances : mysticisme, sacralité, transcendance. Toutefois, les pratiques et rites donnés comme « magiques » échappant à la conception rationnelle et parfois aux cadres religieux sont largement mis en scène dans les champs artistiques. Leurs conceptions de la magie renseigne sur une axiologie ou un point de vue global : il y a magie noire et magie blanche, magie du rationaliste ou de l'homme pieux. Ces pratiques, symboles de transgression et de toute-puissance, peuvent constituer un repoussoir, parfois un objet séduisant. On pourra souligner cette variabilité du magique en fonction de l'idéologie des auteurs et artistes, mais aussi du contexte de création, de publication ou de représentation : ce qui apparaît comme une forme de magie dans une œuvre  n'est pas nécessairement considéré comme tel à l'époque de sa création.

Les figures du/de la magicien.ne feront l'objet d'une attention particulière. Rebouteux, mage, sorcier, sorcière, êtres invisibles ou monstrueux, de nombreux personnages se rattachent à divers titre au magique. On pourra s'intéresser au cas limite du charlatan, personnage théâtral de l’apothicaire ou du mage imposteur. Les grandes affaires et les procès de sorcellerie (Démonomanie des sorciers de Jean Bodin, affaire des poisons) peuvent aussi être  évoqués.

Enfin, les objets magiques ou animés (qui ne se trouvent pas dans la seule fiction fantaisiste) ont un fonctionnement, une symbolique et une esthétique propres.  On comprendra parmi ceux-ci les images et les signes kabbalistiques ou ésotériques mis en scène dans les œuvres. Peut-être ces objets sont-ils des points d'ancrages qui peuvent référer à la fictionnalité elle-même.


Formes littéraires & magies

Dans ses principes mêmes, la magie accorde une importance inaccoutumée aux liens symboliques et leur donne une force de causalité. Ce rapport invitera à penser les fantasmes (ou croyances?) d'un « art magique » (Baudelaire) où le signe devient symbole surdéterminé. Au XIXème siècle, la sensibilité de l’artiste aux effets de porosité des mondes, réalité et magie, correspondances baudelairiennes, donne lieu à une théorisation de la pratique poétique comme « opérations magiques, sorcellerie évocatoire » (Baudelaire). La peinture révèle une « magie profonde », véritable alchimie dont Delacroix et Rembrandt sont les modèles (Baudelaire) ; l’art pur doit être envisagé comme « magie suggestive » (Baudelaire, Exposition Universelle, 1855). On interrogera les avatars de ces figures et pratiques artistiques, précurseurs et successeurs.

En littérature, peut-être cette ambition incantatoire de la plume qu'on trouve chez certains romantiques, mais aussi dans le surréalisme ou dans la poésie renaissante, mériterait-elle d'être décryptée : comment cette métaphore théorique peut-elle se comprendre et s'appliquer à l'acte d'énonciation qu'est le texte? Comment la magie se constitue-t-elle, par la voie de la métaphore, en un idéal poétique auquel aspire le texte, et en un discours possible sur la pratique littéraire ?

Le magique est sous-tendu par une dialectique complexe du naturel et du surnaturel, du caché et du visible. Ainsi, les frontières du magique sont poreuses et varient en fonction de la dimension du connu. C'est précisément cette distinction ou cette indistinction qui pourra faire l'objet de questionnements. Où le magique rejoint-il l'occulte, le merveilleux, le fantastique? Comment le magique permet-il de considérer à nouveaux frais la mimésis (le vraisemblable, le réalisme)? De nombreuses études ont adopté une perspective générique, pour qualifier et évaluer l’intrusion de la magie dans l’univers de la fiction. Nous pourrons interroger les frontières et la pertinence au sein de l’histoire littéraire des typologies qui en émergent.

La réception et la rédaction des textes et œuvres magiques pourront être interrogées, ainsi que les récits et représentations de pratiques magiques (comme Le Livre des Tables de Guernesey ou les tableaux de mystères) : on pourra les mettre en lien, notamment afin d'éclairer des pratiques artistiques parallèles ou concurrentes. On pourra s'interroger sur la présence parcellaire de textes ou formules magiques au sein des œuvres et sur la relation qu'ils entretiennent avec leur contexte. L'irruption de la magie perturberait le texte dans sa cohérence discursive et narrative, et modifierait les pratiques de réception.

Magies & discours critique

La magie est ainsi tantôt une doctrine d'initié.e.s (ésotérique, donc) et tantôt l'expression de la contestation d'une esthétique réaliste ou des savoirs constitués. Force déstabilisante, elle constituerait une entorse aux discours d'autorité.

On pourra notamment étudier des exemples tirés des périodes ou courants esthétiques connus comme favorables à la magie (Renaissance néo-platonicienne, spiritisme et romantisme, surréalisme), mais aussi des cas qui témoignent d'une permanence du phénomène magique alors même que l’époque y semble moins propice (magie des Lumières, réalisme magique et ses avatars dans le monde contemporain). On pourra s'interroger sur la présence paradoxale de la magie à l'époque moderne, entre « désenchantement du monde » (Max Weber) et résurgences de l’extraordinaire.

On accordera une importance particulière à la magie de l'inconnu, de l'autre, de l'hérétique, en interrogeant les représentations et les esthétisations du magique conçu comme voisin de l'« étrange » ou de l'étranger. Selon la même perspective, on posera la question des intersections des représentations sociales ou politiques et de ces motifs: le magique ouvrirait ainsi une sphère d'intégration paradoxale du marginal dans le texte, permettant des approches critiques informées des sciences humaines (sociologie, philosophie, histoire), et des études de genre.

               

Cette journée s'organise autour d'un thème choisi collégialement, avec l’ambition d’embrasser suivant ce fil rouge différentes périodes de l'histoire des arts et des esthétiques modernes. Les participant.e.s sont invité.e.s, à ce prisme, à s'interroger sur leurs outils et à tester leurs hypothèses au sein d'un dialogue interdisciplinaire.

Chaque communication durera approximativement 25 minutes, et sera suivie d'un temps de
d'échange et de questions. Les propositions d’intervention (200-300 mots) sont attendues pour le 31 mars 2017 au plus tard, et s'accompagneront d'une courte présentation (sujet de recherche, établissement de rattachement, nom du/de la directeur.trice de thèse le cas échéant).

Elles seront adressées aux trois adresses suivantes:
pvdesarbres@gmail.com, flavie.kerautret@gmail.com, kieffermo@gmail.com.

Les actes de cette journée feront ensuite l’objet d’une publication en ligne sur le
Carnet Hypothèses des doctorant.e.s du laboratoire.

               
Bibliographie indicative

Simone Bernard-Griffiths et Jeannine Guichardet (dir.), Images de la magie: fées, enchanteurs et merveilleux dans l'imaginaire du XIXe siècle, Paris, Les Belles lettres, 1993 ;

Simone Bernard-Griffiths et Céline Bricault, Magie et magies dans la littérature et les arts du XIXe siècle français, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, vol. 19, 2012 ;

Anne Besson et Évelyne Jacquelin (dir.), Poétiques du merveilleux – Fantastique, sciencefiction, fantasy en littérature et dans les arts visuels, Arras, Artois Presse Université, 2015 ;

Myriam Boucharenc, De l’insolite – Essai sur la littérature du XXe siècle, Paris, Hermann, 2011 ;

Gérard Chandès (dir.), Le merveilleux et la magie dans la littérature, Amsterdam, Atlanta, Rodopi, 1992 ;

Noémie Courtès, L'Écriture de l'enchantement : Magie et magiciens dans la littérature française du XVIIe siècle, Paris, Honoré Champion, 2004 ;

Narjess D'Outreligne-Saidi, De l'Orient des Mille et une nuits à la magie surréaliste, Paris, L'Harmattan, 2001 ;

Tzvetan Todorov, Introduction à la littérature fantastique, Paris, Seuil, 1976 [1970] ;

Hélène Védrine, Magie et Philosophie à la Renaissance, Paris, Librairie générale française, 1996 ;

Jean Weisgerber (dir.) , Le Réalisme magique. Roman, Peinture et Cinéma, Lausanne, L’Âge d’homme, 1987 ;

Myriam White-Le Goff (dir.), Merveilleux et spiritualité, Paris, PUPS, 2014.
               



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Mis à jour le 06 février 2018